mardi, décembre 10, 2024
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DE LA NECESSITE DE PRESERVER LA COHESION SOCIALE

« Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». C’est là la première des sept paroles que le Christ Jésus a prononcées alors qu’il était cloué sur l’infame bois de la croix.

Alors qu’il était en train de mourir de façon atroce, de la plus vile et dégradante des morts pour un humain en Israël, Jésus Christ invoqua de son Père le pardon pour ses bourreaux qui, en plus de le martyriser, se moquaient de lui et tiraient, dans la foulée, au sort sa tunique.

Ce scandale de l’Evangile d’un Messie crucifié est folie pour les hommes. Il devient tragédie lorsque la victime prie pour l’amnistie (le mot est à la mode) en faveur de ses meurtriers.

Mais là est la nature du Dieu des Catholiques. Il est TOUTE MISERICORDE, ce Dieu des Catholiques, qui sait créer, à partir du néant et du mauvais, quelque chose de beau, de bon, de meilleur. Son Cœur aimant s’ouvre à la Misère de l’Homme pécheur qui se repend.

C’est fort de cette belle image de mon Dieu que, moi, Catholique, je pardonne à Monsieur Bachir FOFANA son écart de langage lorsque, dans l’émission IFTAAR de iTv, de la semaine passée, il avançait ces propos : «… le Général TINE, à l’Intérieur… Jean Baptiste TINE, Ministre de l’Intérieur ; et c’est le Ministère de l’Intérieur qui s’occupe du culte religieux dans ce pays. Nous sommes un pays à 95% de Musulmans et on a un chrétien de confession. Imagine, Gamou diott, Général TINE demm, wala imagine Magal Touba diott, Général TINE demm…. Oui. Oui. Mais Bon… Je n’ai pas dit que c’est un problème. Je dis simplement que… bon c’est à souligner… ».

La maladresse, dans ces propos, est d’abord reconnue par Monsieur Bachir FOFANA lui-même qui, dans un réflexe plein d’humilité et certainement de remords, a publié au moins deux vidéos, dont une en pleine nuit, pour regretter ses propos et la portée qu’il ne soupçonnait certainement pas qu’ils auraient eue. A sa décharge, le soin qu’il a pris de repréciser sa pensée à la fin de l’émission, lorsqu’il a pris conscience du caractère polémique de ses propos, n’a pas été relayé. Le mal était déjà fait…

Le Groupe E-media, Employeur des animateurs de l’émission a, dans la foulée, vite fait de mesurer l’ampleur de la bévue, qui s’est fendu d’un communiqué pour relever la « glissade » sur un terrain sensible.

Le groupe E-Media, pour avoir relevé la « gravité extrême » des propos tenus, s’en est vite démarqué.

Le Conseil pour l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les Media (CORED) a également « regretté les propos tenus le 5 avril par DES professionnels des médias », comme pour rappeler que Monsieur Bachir FOFANA n’est pas le seul à indexer…

En cela, du reste, le CORED émet sur la même longueur d’onde que le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). Ce dernier pointe du doigt « Des média audiovisuels » qui ont « failli gravement à leur responsabilité » et « violé la règlementation, notamment la Constitution et leur Cahier des charges », « en laissant leurs collaborateurs (Journalistes et/ou chroniqueurs) tenir des propos extrêmement dangereux, consistant à remettre en cause ou à questionner la nomination du nouveau Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique sur des considérations exclusivement religieuses ».

Toutes ces condamnations en chœur et la discussion que nous avons eu le plaisir de tenir avec Monsieur FOFANA (une personne d’une exquise courtoisie) auraient suffi à apaiser un cœur meurtri et enduire de baume toute foi blessée par les propos tenus.

De plus, de savoir que le Ministre de l’Intérieur nouvellement nommé, le Général Jean-Baptiste TINE, s’est entretenu avec notre frère Bachir et qu’il l’a personnellement convié à sa cérémonie de prise de service, aurait dû freiner la publication de cette réflexion ; tant tous les deux ont fait montre d’une grandeur d’âme et de dépassement.

En outre, compte tenu du fait que cette offense à la communauté catholique se soit produite dans l’Octave pascale, avec les cœurs brûlant encore de la Joie du Ressuscité, eu égard au sublime message de l’Eglise catholique qui célébre la MISERICORDE le dimanche suivant immédiatement celui de Pâques, mais aussi en ces jours de Korité où le Pardon est le maître mot, nous avons, en ce qui nous concerne, pardonné et invoqué la grâce du discernement, de la sagesse et de la circonspection sur ceux-là qui se sont trompés ou qui ne savaient certainement pas.

Notre propos transcende, dès lors, la personne de notre frère Bachir FOFANA et celles des animateurs et autres journalistes de IFTAAR. Il se veut alerte face aux velléités de ceux qui seraient tentés d’aller plus loin dans cette voie glissante du sectarisme, du communautarisme et de la discrimination au nom de la loi du nombre.

En effet, la récurrence de ces dérives dans un Sénégal dont le substrat culturel, les valeurs de la République, tout comme les valeurs traditionnelles fondées sur la coexistence pacifique des communautés et ethnies, le cousinage à plaisanterie, les vertus ancestrales de kersa, de jomm, et de mugn, sont de plus en plus sapés par des individus incultes, aux esprits chagrins et à la rancœur gratuite n’ayant d’égal que l’abyssale vacuité du jugement, emmène à alerter et à mettre en garde.

Nous convoquons, à cet égard les enseignements que nous tenons de nos anciens :

  • « Euleuk dou agn, dou rére, wayé lou mata soralé la » (mieux vaut prévenir que guérir) ;
  • « Liy raam ca niagg ba la dieum » (le mal annoncé et non contenu ne peut que causer des dégâts » ;
  • « Lu waay rindi ci sa loxo lay naac » (nos faits et gestes nous rattrapent toujours ».

Il importe, sous ce prisme, de mettre en garde ceux qui, quelles que soient leurs convictions ou secrètes aspirations, quel que soit leur nombre et à quelque position où ils se trouvent, nourrissent de plus en plus le dangereux dessein de remettre en cause le caractère laïc, démocratique et social de notre République.

La fréquence avec laquelle les dérives langagières se multiplient, notamment à l’encontre de la « minorité catholique », inclinent à considérer que certains propos de plus en plus audibles dans l’espace public ne sont, à la vérité, que l’écho de l’insidieux bruit qui sourd du tréfonds de certains cœurs noircis par l’ignorance et la bêtise.

Or, ainsi que l’écrivait Honoré de BALZAC « La bêtise a deux manières d’être : elle se tait ou elle parle. La bêtise muette est supportable ».

Alors, en ces moments où la parole publique se libère de façon incontrôlée, à la faveur du libre accès aux réseaux sociaux, de la quête du buzz, de la promotion du radotage et des commérages, il est un impérieux besoin de sécurité et de salubrité publiques que de ne point laisser la bêtise parler. 

Des esprits fragiles, parasités par l’oisiveté, la rancœur, l’obscurantisme et l’orgueil mal placé de l’ignorant qui ne sait pas qu’il ne sait pas et qui se croit d’une intelligence supérieure, pourraient « gober » et prendre pour « paroles d’Evangile » des inepties bien dites et maquillées sous le douillet manteau de la manipulation et le fallacieux prétexte de la « liberté d’expression ».

BEAUMARCHAIS, avait bien compris cela lorsque, dans son fameux « Eloge à la Calomnie » dans « Le barbier de Séville, II-8 », son personnage BAZILE conseillait à BARTHOLO de ne point se compromettre par un brutal assassinat, mais de susciter une méchante affaire et de calomnier à dire d’experts. 

Face à l’étonnement de BARTHOLO devant ce singulier procédé pour se défaire d’un homme, la réponse de BAZILE, inspirée du beau langage des nuances en musique, est une belle leçon à méditer par tous, aujourd’hui, dans le contexte sénégalais ou le fake, l’infox et la parole blessante et assassine se répandent et se croient plus vite, cependant que la vérité est toujours suspecte et d’abord chahutée.

A nous tous, BAZILE s’adresse en ces termes : « Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse ! … D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et pianopiano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? ».

Ces bruits, basés sur la délation, la méchanceté, l’exclusion de l’autre au nom d’un communautarisme néfaste… ces bruits-là détruisent, tuent à petit feu ou font tuer…

Il est, dès lors, heureux qu’à l’unisson, les sénégalais de valeur, épris de justice, de paix et soucieux de la cohésion nationale, aient élevé la voix et que certaines personnes indexées aient fait amende honorable.

Les mêmes voix s’étaient, de la même façon, élevées pour fustiger :

  • la malheureuse sortie de la plus haute autorité de ce pays sur les églises dans lesquelles on prierait « quelqu’un qui n’est pas Dieu »,
  • la suspecte insistance d’un groupe de pression relativement à l’histoire du « voile » dans les écoles catholiques,
  • la sortie malheureuse de l’Imam Lamine SALL contre la communauté chrétienne avant qu’il ne se confonde en excuses ;
  • le débat malsain instauré par une minorité d’illuminés après le rappel à Dieu et la naissance au Ciel de l’acteur catholique Jean Paul D’ALMEIDA ;
  • la profanation d’églises et de cimetières catholiques…

La discipline, la retenue, l’amour fraternel, le souci de la cohésion nationale et la croyance ferme en la bonté de l’Homme sénégalais transcendant les individualités qui s’expriment sur ces aspects sensibles, ont toujours mu les autorités ecclésiales dont la tempérance n’a jamais été faiblesse coupable.

Les voix des Pasteurs de l’Eglise (Hier, les Cardinaux THIANDOUM et SARR et aujourd’hui, l’Archevêque Benjamin NDIAYE et l’ensemble des Evêques) n’ont de cesse de résonner pour appeler à la raison et au respect de l’Autre. Le Conseil national du Laïcat se fait l’Echo de ces appels dans la Vérité et la Liberté des Enfants de Dieu.

Alors, il importe que plus d’efforts soient consentis et plus de fermeté affichée pour enrayer les velléités de sectarisme et de discrimination à l’égard des catholiques et, au-delà, de toute minorité dans ce pays.

Notre Constitution nous y astreint lorsque, après avoir rappelé l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion ainsi que le respect de toutes les croyances, elle prévient en ces termes : « Toute discrimination raciale, ethnique ou religieuse, de même que toute propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ou à l’intégrité du territoire de la République sont punies par la loi ».

Notre « commun vouloir de vivre en commun » nous contraint à nous dresser, comme un seul homme, « épaule contre épaule », pour combattre les fossoyeurs des valeurs de la République et de la cohésion sociale.

Sous ce rapport et, afin que nul n’en ignore, il est un devoir de rappeler à ceux qui ne savent pas, à ceux qui ont peut-être oublié, à ceux qui feignent d’ignorer ou qui veulent occulter des faits historiques figés dans le marbre de notre trajectoire commune, que c’est bien dans ce beau pays qu’est le Sénégal, riche de sa belle, respectable et respectueuse Majorité musulmane que :

  • feu Léopold Sédar SENGHOR, un fervent catholique, a été le Premier Président de la République ;
  • feu le Cardinal THIANDOUM, dans le différend opposant alors le Président Léopold Sédar SENGHOR au Président du Conseil, Mamadou DIA, en 1962, avait pris le parti de Monsieur DIA ;
  • les Khalifes généraux d’alors soutenaient le Président catholique SENGHOR ;
  • le Père, Dominicain, Louis-Joseph LEBRET, en sa qualité d’économiste, fut invité par le gouvernement sénégalais à inventer le plan de développement du pays avec les jeunes acteurs de l’Indépendance ;
  • feu Jean COLIN a été Ministre de l’Intérieur pendant au moins 10 ans, remplacé par Monsieur André SONKO, tous deux fervents et convaincus catholiques ;
  • feu Jean COLIN, en sa qualité de Ministre de l’Intérieur, a été le Premier Commissaire du Pèlerinage aux lieux saint de l’Islam ;
  • le Bien-aimé feu Imam Seydou DEME, Premier Imam de Gorée, est inhumé au cimetière Catholique de Bel-Air ;
  • les Gouverneurs, Préfets et Sous-Préfets, dont nombre ont été formés dans les écoles catholiques et dont plusieurs sont catholiques pratiquants, conduisent au quotidien des délégations gouvernementales pour traduire les messages des autorités étatiques et solliciter des prières pour le pays dans des cérémonies religieuses (Ziarras, Gamous, Magals,…) ;
  • le Dakka de Médina Gounass a, pendant plusieurs années, été organisé par un catholique, en la personne de l’ancien Gouverneur Léopold WADE, dont la belle et solide amitié avec Feu Abdoul Aziz BA, frère du Khalife d’alors, était magnifiée, jusqu’au rappel à Dieu de celui-ci ;
  • le Pèlerinage marial de Poponguine est, depuis des décennies, organisé, de mains de maîtres, par des autorités administratives musulmanes, qui y conduisent des délégations officielles toujours installées aux cotés des autorités religieuses et coutumières également musulmanes ;
  • nos familles, dont celle de Monsieur Bachir FOFANA, du reste, sont parfois composées de membres de confessions religieuses différentes et sont des havres de paix où catholiques, musulmans et autres adeptes de la religion traditionnelle, unis par les liens de sang, se vouent, par-dessus tout, respect et considération.

C’est dire, au final, que notre pays se construit et se nourrit de sa diversité. Chaque citoyen a sa pierre à apporter pour l’édification de la NATION SENEGAL. Cette Nation que nous formons est constituée de Sénégalaises et de Sénégalais (tout court) ; dans un Etat laïc, personne ne devant être considéré comme « minoritaire ».

La communauté catholique, en tout cas, entend résolument jouer sa partition dans la belle symphonie qu’est l’exaltante œuvre de construction nationale. « Sel et Lumière dans ce Sénégal », la communauté catholique se refuse donc d’être considérée comme une « minorité ». Elle ne l’est point, tant les valeurs chrétiennes catholiques illuminent en irradient ce pays et tant la qualité des membres de cette communauté, formés à bonne école, suffisent amplement comme repères et références.

Alors, les langues ont encore fourché. Le Pardon est encore accordé. Il le sera soixante-dix fois sept fois !!! Mais, la Vérité nous rend Libres. « La Vérité germera de la Terre et du Ciel se penchera la Justice » !!!

En tout état de cause, n’oublions jamais que la sagesse populaire africaine nous enseigne que « la langue qui fourche fait plus mal que le pied qui trébuche ».

A bon entendeur… !!!

BERNARD CASIMIR DEMBA CISSE

Ancien séminariste, Maître de Chœur à la paroisse universitaire depuis 1993(Saint Dominique de Dakar)

Administrateur civil de formation, actuellement Inspecteur des finances.

Ancien Directeur de la Formation et de la Communication, de la Direction générale des Élections.

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