« Je ne suis pas à la place de Maodo parce que je suis tout simplement son fils; même si j’étais le fils de Malaw le “bûcheron”, cela ne m’empêcherait pas d’être son khalife et celui de Cheikh Ahmad Tidjani Chérif ; c’est celui qui l’a investi qui m’a investi». Cette phrase, avec une forte dose mystique, témoigne de la stature spirituelle de l’homme multidimensionnel que l’on surnommait «Borom bonnet bi» (l’homme au bonnet carré). Ayant très vite atteint les degrés les plus élevés des gnostiques, le digne héritier d’El Hadji Malick Sy a marqué son temps.
Bien qu’ayant disparu en 1957, Serigne Babacar Sy reste et demeure un modèle pour des milliers et milliers de fidèles nés après les indépendances. Plus émouvant encore, ce sont de très jeunes fidèles, à peine âgés de vingt-ans et moins, qui se bousculent à chaque Gamou pour espérer entrer dans son mausolée afin de prier de mille mots pour soigner mille maux.
Deuxième fils d’El Hadji Malick Sy, il a occupé le haut fauteuil de Khalife de juin 1922 à mars 1957. Né en 1885, cet homme de haute sagesse qui a été le premier à porter le titre de Khalife général, était connu pour son hospitalité légendaire, ses connaissances multiformes, sa spiritualité hors du commun et sa culture légendaire.
Soufi et homme de consensus qui maîtrisait mieux que quiconque les profonds secrets du «Fiqh», domaine qui régit les activités des individus et des groupes dans toutes les situations et dans tous les domaines de la vie à un niveau culturel, moral, politique, économique, juridique, social, depuis la naissance jusqu’à la mort, Serigne Babacar Sy, sans conteste, est un élu de l’histoire et de l’éternel.
«C’est comme si j’avais toute ma vie connu l’homme, alors que je suis né trente-ans après sa disparition. Ce qui me lie à Serigne Babacar Sy est très fort. Je ne peux l’expliquer. Tout est spirituel, surtout que je me nomme également Serigne Babacar», indique Serigne Babacar Diagne, disciple de l’homme religieux qui a les larmes aux yeux lorsqu’il parle du saint homme. Maitre de la parole, enseignant hors pair, il est ce qu’il y a de plus constant pour mettre en relief les valeurs mohamediennes. De sa main, l’indice, symbole de l’unicité de Dieu, scintille et s’impose de mille lumières pour conduire le musulman sur le chemin du bon et du bien, de l’humilité et de la sagesse, de l’empathie et du sens du partage, du pardon et de la guidance. En clair, il a vécu pour faire faire aux musulmans ce qu’il faut faire afin de faire ce qu’il faut faire sur le chemin qui mène au Créateur en passant par la ‘’porte’’ d’or et de diamant qui n’est autre que le Sceau des sceaux.
66 ans après sa disparition, la lumière continue de jaillir à Tivaouane pour remplir le cœur des fidèles à travers le Sénégal et bien au-delà. Car, ce haut fonctionnaire, calligraphe reconnu, est en réalité un élu de l’histoire. Oui… de l’Éternel.
Par Abdoulaye Mbow (Journaliste-analyste politique)