Le monde contemporain est marqué par la mondialisation traversée elle-même par deux mouvements contradictoires :
- la globalisation des modes de consommation et de vie et
- la fragmentation civilisationnelle inédite matérialisée par les replis identitaires.
La théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington a souvent réduit les relations internationales à un affrontement inévitable entre cultures et religions. Cette vision culturaliste, qui domine certains discours médiatiques et politiques, tend à simplifier les conflits contemporains en les présentant comme des chocs identitaires, au détriment d’analyses plus nuancées.
Pourtant, une approche plus ouverte – anthropologique et humaniste – permet de dépasser ces généralisations. Elle montre que les cultures ne se définissent pas seulement par leurs différences, mais aussi par leurs échanges et leurs métissages. Contre l’idée d’un monde divisé par des guerres identitaires, des penseurs comme Jean-François Bayart ou le poète Rûmi rappellent que les civilisations dialoguent plus qu’elles ne s’affrontent.
Le sujet invite à rejeter les simplifications culturalistes et à explorer comment les cultures s’entrelacent, plutôt que de les enfermer dans des oppositions artificielles.
Aujourd’hui, la montée de la polarisation des idées menace la cohésion mondiale. Cette situation appelle des solutions fondées sur la compréhension mutuelle que favorise le dialogue. Sous ce rapport, Amartya Sen, analyse comment la réduction des identités culturelles ou religieuses à des stéréotypes continue d’alimenter les conflits structurels. Il plaide à cet égard pour une approche pluraliste. Dans cette option, « la diversité des cultures devient la richesse de l’humanité ; la nier, c’est appauvrir le monde. » Avant lui, l’Émir Abdel Kader démontrait selon les enseignements soufis, les bases d’une coexistence fondée sur le dialogue et la rencontre imposée par la pluralité holistique de la quête spirituelle selon laquelle « les chemins sont nombreux, mais le but est un ; ne te perds pas dans les formes, vois l’essence qui les unit. » C’est en parfaite conscience de tels enjeux que la Hadra de Tivaouane a accueilli en 2015, en pleine crise sahélienne, un Symposium sur le thème : » Face aux radicalismes, quelles réponses de l’école de Tivaouane ? ». Sous l’autorité conjuguée du Khalife Général des Tijaan et du Chef de l’Etat du Sénégal, la rencontre a produit des « réponses doctrinales adaptées » aux idéologies prônant la violence extrémiste. Sur la problématique de la diversité religieuse et spirituelle, Cheikh El Hadji Malick, évoque dans son Fâkihatu Tullâb, une simple « différence ou contraste des goûts et des abreuvoirs » ne remettant point en cause l’unicité de la source.
Dans la continuité de cette réflexion constructive, la « Dâhira Sope Nabi » de France et la Cellule Zawiya Tijaniyya du Sénégal ont initié la Conférence de Paris sur « Islam Soufi et défis de la mondialisation ».
La série de conférences qui en résulte s’inscrit dans le projet de vulgarisation des idéaux de l’UNESCO appelant à « Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel » (2009). Elles considèrent les cultures et les religions, comme détentrices d’un haut potentiel de paix et de « guérison » à travers le dialogue. À cet effet, au moment où les cultures et les religions sont souvent perçues comme des sources de division, l’édition 2025 de la Conférence de Paris vise l’objectif de vulgariser la manière dont elles détiennent, aussi, un potentiel de paix et de guérison de l’esprit d’adversité à travers le dialogue et les échanges.
- Objectifs visés
Dans la continuité des réflexions entamées lors de l’édition 2024, le Comité scientifique propose pour la Conférence de Paris 2025 le thème suivant : « Face aux extrêmes, guérir le monde par le dialogue des cultures et des religions ». Cette problématique sera déclinée sous plusieurs thématiques à travers différents objectifs :
- Objectif général :
Il consiste à explorer comment, dans un monde polarisé par la montée des extrémismes politiques comme religieux, le dialogue entre cultures et religions pourra apaiser les tensions et contribuer à un monde plus harmonieux.
- Objectifs spécifiques :
À l’issue de la conférence, les participants seront en mesure d’atteindre plusieurs objectifs spécifiques.
Ils permettrons d’identifier des mécanismes endogènes permettant au dialogue interculturel et interreligieux de contrer les extrémismes, tout en mettant en évidence des exemples concrets de vivre-ensemble et des initiatives réussies de rapprochement susceptibles d’influencer positivement le monde contemporain.
La conférence visera également à proposer des stratégies pour promouvoir le dialogue à différents niveaux – local, national et international – et offrira aux participants un cadre d’expression propice à des débats libres, approfondis et scientifiquement objectifs concernant une réponse franco-africaine aux crises affectant le monde musulman.
Un autre objectif important consistera à développer la connaissance des autres acteurs internationaux sur l’originalité et le modèle référentiel d’un Islam de paix tel qu’il s’est développé en Afrique de l’Ouest, afin de mieux comprendre sa contribution constructive à l’amélioration des pratiques religieuses en France.
Enfin, la conférence contribuera au renforcement de la coopération franco-sénégalaise en valorisant certains aspects liés à la diplomatie religieuse, dans le but de favoriser une meilleure synergie des héritages partagés au service du vivre-ensemble et de la paix, tant en Afrique que dans le reste du monde.
