Près de cinq millions de Sénégalais vont affluer vers la ville sainte de Tivaouane, à l’est de Dakar, jeudi 4 septembre, pour célébrer la naissance du prophète Mohammed lors du pèlerinage du Gamou. Cette tradition religieuse instaurée au début du XXe siècle s’est muée en véritable fête populaire et nationale.
C’est à la fois un immense rassemblement religieux et une grande fête populaire. Jeudi 4 septembre, cinq millions de Sénégalais vont converger vers la ville sainte de Tivaouane, à 90 kilomètres de Dakar dans la région de Thiès, pour le pèlerinage musulman du Gamou à l’occasion de la célébration de la naissance du prophète Mohammed.
Pendant trois jours, la population de cette ville moyenne, qui compte environ 100 000 habitants en temps normal, va être multipliée par cinquante. Des tentes de fortune sont alors installées un peu partout pour loger les pèlerins à l’air libre. Les fidèles se retrouvent à la Grande Mosquée de Tivaouane, haut lieu de rassemblement de la confrérie soufie tidjane.
À l’origine le Gamou désigne une fête profane en Wolof. Le terme a été repris en 1902 par El Hadji Malick Sy, dit Maodo, un imam tidjane qui instaura les premières célébrations publiques à Tivaouane pour le Mawlid. Le Mawlid est la fête musulmane qui célèbre la naissance du Prophète et qui se tient traditionnellement la 12e nuit du troisième mois du calendrier musulman.
Cette fête se déroulait traditionnellement dans l’intimité des foyers, les religieux restant de leur côté dans les lieux de cultes. Au début du XXe siècle, Maodo, qui avait créé une université populaire à Tivaouane pour diffuser la doctrine de l’Islam auprès des masses, eu a cœur de rendre ces célébrations publiques afin que les fidèles et les imams se retrouvent pour des temps d’échanges et de prières. La tradition du Gamou, grande fête populaire, était née. Depuis, ce grand rassemblement annuel s’est perpétué, marqué par des prières, des chants religieux, des conférences et des sermons qui visent à rappeler la vie et l’enseignement du prophète de l’Islam.
Un temps de communion national
S’il s’agit toujours de la plus importante fête religieuse des tidjanes, les disciples des trois autres confréries musulmanes du Sénégal s’y associent et se rendent désormais aussi à Tivaouane. Depuis les années 2000, les chiites du Sénégal participent également à la célébration de la naissance du Prophète.
Si Tivaouane reste le centre névralgique des festivités, le Gamou est aussi célébré dans d’autres villes, par la communauté mouride à Touba par exemple (la deuxième ville du pays et elle-aussi, haut-lieu de pèlerinage) ou encore à Kaolack. Une programmation spéciale est également prévue à Dakar, avec des allocutions de chefs religieux, des prières collectives et des lectures du Coran.
Outre sa dimension cultuelle et spirituelle, cet événement est une véritable fête populaire et un temps de communion nationale, où se rencontrent des personnes de toutes les régions sénégalaises, de toutes les ethnies et de toutes les classes sociales. « Ainsi, le Gamou n’est pas seulement une nuit de ferveur. C’est un espace de dialogue intergénérationnel et interculturel, un moment où se construit, dans la diversité, une unité nationale toujours vivante », note le sociologue Cheikh Tidiane Mbaye dans un article sur ce pèlerinage.
Le Gamou donne par ailleurs lieu à des initiatives sociales et des actions de bienfaisance, telles que des distributions de repas aux nécessiteux.
Cet événement représente chaque année un sacré défi logistique pour les autorités du pays. Il faut organiser des convois pour les millions de personnes qui se déplacent. Cette année, 550 sapeurs-pompiers sont spécialement déployés à Tivaouane, où l’on redoute des inondations et des problèmes d’évacuation des eaux, en pleine saison des pluies.
LA CROIX