mercredi, décembre 31, 2025
AccueilActualitésPORTRAIT D’UN ARISTOCRATE MYSTIQUE

PORTRAIT D’UN ARISTOCRATE MYSTIQUE

Un artiste, musicien de vocation et philosophe de demi-mesure, chantonne : « Ne vis pas pour que ta présence soit remarquée, mais pour que ton absence se ressente. » Il faut être Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy pour oser s’absenter au moment où une présence est vivement sollicitée. Il faut être le digne héritier de l’un des plus grands intellectuels de son temps, Serigne Babacar Sy (rta), pour oser s’effacer de la scène publique au moment ou l’on se voit attribuer une distinction. Il y‘a quatre ans, un quotidien sénégalais tentait d’analyser les raisons mystiques de l’absence de l’homme à la djellaba. Il ne suffit pas d’achever des études de journalisme ou de fréquenter les universités les plus prestigieuses de la conscience universelle pour savoir interpréter la vocation du Tribun de Tivaouane. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a rien de plus cocasse que de s’interroger sur l’absence de celui que l’on dénomme Al Maktoum (le pole caché). A moins que l’on ne se sente animé par l’audace de devoir lui contester cette posture. Contestation qui aurait trait à une insulte destinée à la communauté des archanges. Communauté qui, à elle seule, peut témoigner du legs de son homonyme, Aboul Abass Ahmada Tijany (rta). Et le pensionnaire du relais de chanter, dans sa fameuse Fa ileyka : « En vérité, La communauté des archanges reprennaient la Salatoul Fatihi »… Qu’il ait pris un bail pour la postérité ou pas, il y’a une réalité qui demeure inchangeable. Terre du brillant Cheikh Anta Diop et du téméraire El Hadj Omar Tall (rta), le Sénégal est aussi un pays où une rareté sur la scène publique force respect et considération. Quand on a affaire à un ténor dont l’œuvre est aussi vieille, la réalité est tout autre : un demi-siècle peint d’un activisme multidimensionnel, parce que conférencier de talent, poète à la plume sachant élever la conscience, homme d’affaires à l’empire financier remarquable, tribun aux prises de position incontestables, chef spirituel à la noblesse incommensurable, aristocrate mystique alliant le temporel et le spirituel, chef politique à l’engagement significatif, catalyseur social au geste remarqué, et, pour couronner le tout, absent le plus présent, d’autant plus que ses dits, et sa fameuse formule pour une paix (« sangue reewmi »), sollicitant un ressourcement purificateur, font couler de l’encre et de la salive depuis toujours.

Que n’a-t-il pas dit ? Il ne s’agit nullement pour lui de refaire surface, mais pour son auditoire de revisiter son patrimoine intellectuel pardi. Seydil Hadj Malick Sy se plaignait assez souvent : « Je ne crains que dans ce pays l’intérêt accordé aux valeurs traditionnelles surpasse de loin celle consacrée à la tradition prophétique. » Serigne Cheikh est ce que Cheikh Abdoulaye Dieye, guide mouride, appele une chance pour le Sénégal. Mais cette chance a affaire à un pays où la crise qu’elle a condamné il y’a plus de deux décennies, sévit toujours : la crise de logique. Même la religion semble ne pas s’etre extirpée d’un tel sacerdoce. Serigne Moustapha Sy l’a illustré pour le bien de la communauté musulmane : « Pourquoi est ce que les responsables des différentes religions ne sont là que pour construire des édifices souvent vides d’occupants ? L’occupant lui-même ne se sent plus en sécurité entre quatre murs cimentés par un idéal conflictuel. » Quant à l’auteur de Fa Ileyka, il considère ce vice comme dénaturant l’initiative du ciel, qui vise une société humaine et équilibrée. N’est-il pas temps de combattre les consciences perverties ? Nul ne peut s’approprier l’essentiel de la « philosophie maktoumienne » s’il n’est immunisé contre cette crise de logique. L’autre facette consistera sans nul doute à s’imprégner aussi bien de la conscience qui régit l’islam que des grandes lignes des autres formes de savoir. C’est simple. Le grand père spirituel des Moustarchidines cite De Gaule, conte les mésaventures de Mor Diama, raconte le parcours de Fàdil Ibn Iyàal, invoque l’étoile de Médine, mentionne l’intelligence de Mawdo, se réfère à la pensée de Ghandi, magnifie la Joconde, revient sur le dernier film de Michael Jackson, convoque les conflits Jean Cocteau-Jacques Maritain ou Albert Einstein-Mouhammad Iqbal, traduit les versets coraniques, peint l’intelligence d’Aboubakr Ibn Dourayde, retrace la rigueur de Cheikh Abdoul Khadr Djeylani…Chez lui, la religion n’est plus qu’une simple forme de pratique, mais aussi tout un système qui intervient à son aise dans les affaires politiques, sociales et mêmes culturelles. « J’admire beaucoup plus les apôtres que les édificateurs de pyramides. S’il y’a les deux réunis en un seul, c’est encore mieux. Dieu rend hommage à David parce qu’il est à la fois poète, architecte, ténor et prophète », cite t-il dans sa lettre intitulée Islam & Monde Occidental. En somme, il est de la race des hommes entreprenants et innovateurs, ceux là qui sont uniques dans leur registre.

Pionnier dans l’ame et maitre du verbe, son style a su fasciner une génération de 7 à 77 ans

Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye

ARTICLES LIÉS

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Résoudre : *
36 ⁄ 18 =


LES PLUS POPULAIRES

ARCHIVES