samedi, novembre 8, 2025
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Napoléon Bonaparte, ce « catholique qui préférait l’islam au christianisme »

Cet épisode aux conséquences désastreuses est analysé dans tous ses aspects par Louis Blin, sans complaisance dans « Napoléon et l’islam ». Le récit de l’expédition d’Égypte de 1798, premier volet du plan expansionniste établi par Charles Maurice Talleyrand-Périgord, met en lumière la personnalité complexe de Napoléon (1769-1821) : messager de la réconciliation entre christianisme et islam, entre Occident et Orient. Entre rêve idéal et ambition démesurée, l’hubris du « Sultan el-Kébir » et de son projet impérial universel entraîne l’idéalisme des Lumières dans une impasse suicidaire.

Dès 1798, la confrontation sanglante avec les Égyptiens révèle les contradictions de son utilisation politique de l’islam. Louis Blin n’est pas tendre avec l’échec de Napoléon. Mais il nous montre malgré tout, preuves à l’appui, la grande sincérité de l’islamophilie de Bonaparte, ce « catholique qui préférait l’islam au christianisme ».

Un rendez-vous manqué avec l’Orient

Sur quoi se fonde la fascination de Napoléon pour l’islam ? Les causes en sont finement analysées par l’auteur. L’influence, tout d’abord, de Jean-Jacques Rousseau (m. 1778), proche de l’Empire ottoman, qui voit dans son Contrat social le Prophète Muhammad comme « un grand et puissant génie » législateur.

Ces idées rousseauistes de justice sociale, comme de liberté de conscience et de tolérance pour toutes les religions, sont reprises par Napoléon dans l’optique d’une alternative à la déchristianisation révolutionnaire. Conséquence de l’esprit philosophique, toutes les religions sont sur le même plan. Exempt de l’esprit de croisade, Napoléon porte le projet d’une « grande nation multiethnique où les Musulmans ont toute leur place » et se voit en nouveau Muhammad, conquérant législateur au secours de l’Orient asservi.

Sultan au Caire, empereur à Paris

On ne saurait parler de Napoléon sans évoquer sa politique hégémonique antibritannique. L’ambition délirante de Napoléon se cristallise dans son projet de « nation arabe » : « Comment la fertile Égypte, la sainte Arabie, sont-elles dominées par des peuples sortis du Caucase ? », s’insurge-t-il.

Cependant, l’objectif politique et stratégique n’est pas ce qui retient l’attention de l’auteur, qui cherche avant tout à mettre en lumière le « volet religieux de son cru » et l’aventure identitaire du premier héros romantique. Les témoignages de ses proches abondent en attestant de l’empathie de Napoléon pour le dogme unitaire de l’islam : « L’Empereur lit tout bas le Coran et déclare que la religion de Mahomet (sic !) est la plus belle. »

Allié à son rêve de grandeur, son admiration pour l’islam lui fait « délaisser une France convoitée pour une Égypte désirée ». Ses mémoires, Les Campagnes d’Égypte et de Syrie, rédigées au soir de sa vie, attestent sa profonde empathie et préfigurent le « voyage en Orient » des Romantiques.

Son islamophilie était-elle sincère ?

La question est controversée ici et là : « il aurait dit tout et son contraire », ou « c’est une idée de musulmans militants » ou encore « sa pensée religieuse était pauvre »… Loin d’être partisan, Louis Blin expose les faits et les écrits de l’empereur, et opère des recoupements qui permettent aux lecteurs de se faire une opinion sur le sujet.

Il ressort de son étude qu’on ne saurait dénier la sincérité de son admiration pour l’islam et de son Prophète, attestée par ses prises de positions ultérieures, lorsque ce n’est plus le conquérant de l’Égypte qui parle. Lorsqu’en 1816, à Sainte-Hélène, il reproche à Voltaire de « faire agir un grand homme qui avait changé la face du monde comme le plus vil scélérat », on ne saurait le soupçonner d’opportunisme. Ses correspondances avec ses proches, au soir de sa vie, montrent un « musulman dans l’âme » bien loin d’avoir prononcé, en 1798, la chahada à la légère. « Il a rédigé et signé la profession de foi musulmane en toute conscience et à maintes reprises », nous dit l’auteur.

En exil, il écrira même au général Gourgaud : « J’espère que le moment ne tardera pas où l’islam prédominera dans le monde. » En conclusion de son étude, l’auteur démonte bien des arguments de défiance envers la sincérité de l’islamophilie de Napoléon, ce que chacun pourra apprécier.

Empereur républicain et catholique par formalisme social, les paradoxes de Napoléon sont à l’aune de la spécificité de cet « homme à part », théiste avant tout : « Il existe un être infini auprès duquel, moi Napoléon, je suis un vrai rien… » L’analyse lucide par Louis Blin de l’islamophilie de l’Empereur, malgré l’omerta qui l’entoure, montre qu’on peut être français et musulman de cœur, ce qui n’est nullement incompatible. Ne pas reconnaître le penchant pour l’islam des grands hommes de la Nation serait, selon lui, trahir la grande culture française.

Source: Napoléon Bonaparte, ce « catholique qui préférait l’islam au christianisme »

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