Par Diakoula Cissé, Cellule Zawiya Tidiane
Une présence intemporelle
Ce dimanche 14 septembre 2025, Tivaouane, la cité religieuse, se pare de recueillement et de ferveur. Vingt-huit ans après son rappel à Dieu, El Hadji Abdoul Aziz Sy « Dabakh », quatrième khalife général des Tidianes, demeure vivant dans les cœurs et dans l’histoire. L’hommage qui lui sera rendu ce jour-là se veut digne du rang de cet Homme de Dieu dont la stature, à la fois spirituelle et morale, dépasse les frontières sénégalaises. Fidèles, disciples et admirateurs, venus des quatre coins du monde, convergeront vers son mausolée pour se souvenir et célébrer une existence toute entière vouée au service exclusif d’Allah et de son Prophète, Seydina Mouhamed (PSL).
Le souffle d’un guide providentiel
Lorsque Mame Abdoul Aziz Sy accéda au Khalifat, le 13 mai 1957, le destin de la Tarikha Tidjane semblait incertain. La disparition, en l’espace de quatre jours, de ses frères Seydi Aboubacar Sy et El Hadji Mansour Sy, avait laissé craindre une période de léthargie spirituelle. Mais, dans Son infinie sagesse, le Créateur gratifia la Khadara d’un soufi exceptionnel : discret, courtois, d’une humilité exemplaire et d’une culture encyclopédique. Dabakh porta avec une sérénité inébranlable le flambeau de Cheikh Ahmed Tidiane, raffermissant les cœurs et propageant la Sunna dans toute sa pureté.
Fils d’El Hadj Malick Sy, pionnier du tidjanisme au Sénégal, et de Sokhna Safiétou Niang, Dabakh « le généreux » en wolof naquit en 1904, année faste marquée par l’inauguration de la Grande Mosquée de Tivaouane. Très tôt, il fut formé par les plus grands : ses frères aînés, des érudits renommés tels que Serigne Mouhamadoul Haddy Touré de Fass, puis les centres d’excellence du Cayor et de Saint-Louis. À vingt-six ans, il quitta sa ville natale pour approfondir son savoir auprès de Serigne Birahim Diop, dans l’ancienne capitale intellectuelle du Sénégal. Cette quête inlassable de connaissance forgea en lui un esprit éclairé, allié à une humilité sans égale.
L’artisan de la paix et de l’unité
L’œuvre de Mame Abdoul Aziz Sy transcende le simple enseignement religieux. Sa voix, mesurée et ferme, savait rappeler aux hommes de pouvoir leurs responsabilités. Jamais partisan, il prônait la vérité et la justice, exhortant les chefs religieux à éclairer leurs disciples avec franchise. Sa mission première demeurait l’unité de la Umma islamique, le dialogue entre confréries et la concorde islamo-chrétienne, car il savait que la paix sociale est le ciment des nations.
Sous son khalifat, il engagea toutes ses forces, malgré une santé vacillante, dans la construction de la Grande Mosquée de Tivaouane monument de foi et d’espérance. « L’humilité, n’est-ce pas le fort des grands hommes ? » disait-on de lui, tant il se considérait toujours comme un simple disciple de son père. Dabakh fut aussi un agriculteur hors pair : ses concessions, notamment dans la région de Saint-Louis, nourrissaient des familles entières et témoignaient de sa vision pragmatique d’un islam ancré dans la vie quotidienne.
Son aura dépassait les frontières. À sa disparition, le 14 septembre 1997, la famille chérifienne du Maroc exprima le vœu que sa dépouille repose auprès de Cheikh Ahmed Tidiane Cherif, jugeant qu’un tel exemple devait demeurer un héritage impérissable pour la postérité.
Un héritage impérissable
Vingt-huit ans après, le nom de Dabakh résonne encore dans les ruelles de Tivaouane et bien au-delà. Il vit dans chaque récital du Saint Coran, dans chaque acte de générosité, dans chaque dialogue interreligieux qu’il a su encourager. Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh n’était pas seulement un khalife ; il fut un phare pour les âmes égarées, un arbitre des tempêtes sociales et un semeur de paix. Sa mémoire, telle une flamme inextinguible, éclaire toujours le chemin de la Tidjaniya et du Sénégal tout entier.
En ce dimanche de recueillement, la cité sainte renouvelle son allégeance à ses enseignements, et la postérité, dans un murmure reconnaissant, répète : « 28 ans après, toujours présent. »