AVANT PROPOS
Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux Qu’Allah répande le salut et la paix sur notre maître Muhammad (ﷺ) qui a ouvert ce qui était fermé, qui a clos ce qui précédait, qui fait triompher la vérité par la vérité,qui guide vers Ton chemin droit, sur sa famille, selon sa dignité et son grade.
Louanges à Dieu Qui a déversé les océans de lumière sur Ses Élus, dont Il a fait les mines de connaissances etde secrets, Qui, par Sa grâce, abreuve de Son eau douce le grand et l’insignifiant qui s’en-orgueillit-fût-il sans valeur à la rencontre du meilleur et noble.
Que le salut et la paix soient sur le Maître des Messagers, sur sa famille et ses compagnons, guides éclairés.
Un héritage spirituel
Nous sommes à l’aube de la célébration d’un événement marquant inscrit dans le calendrier de la Hadara Tidjaniya Malickiya : le Gamou de Ndar. Comme le disait Serigne Babacar Sy : « Le Gamou de Tivaouane est celui d’El Hadj Malick Sy, mais celui de Ndar est le mien. »
Pour rappel, Serigne Babacar Sy est né à Ndar. Lui-même l’affirmait en citant la rue André Lebon, où se trouvait sa maison : « Wa innani min abli ndari, wa maskani fibâ ladâ André » (« Quant à moi, je suis de Ndar, et ma maison s’y trouve, à la rue André Lebon »).
Avant son rappel à Dieu, Seydi Hadji Malick Sy avait envoyé Serigne Babacar Sy, accompagné de Seydou Nourou Tall, à Ndar pour superviser les travaux de rénovation de sa Zawiya. Pendant ce temps, Seydi Hadji Malick rédigeait ses deux derniers ouvrages : Kifayat ar-Raghibin (« Ce qu’il faut aux bons croyants ») et Ifham al-Munkir al-Jani (« Réduction au silence du dénégateur »).
À l’achèvement de ces livres et des travaux de rénovation, Seydi Hadji Malick fut rappelé à Dieu. Avant son départ, il rassembla ses enfants, unissant leurs mains pour les exhorter à rester unis et solidaires.
Le premier Gamou : une histoire méconnue
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le premier Gamou après le décès de Seydi Hadji Malick ne fut pas célébré à Tivaouane, mais bien à Ndar. Serigne Babacar Sy y convia tous ses proches, disciples et condisciples, qui répondirent présents. Ce n’est que par la suite que le Gamou fut déplacé à Dakar.
En 1954, Serigne Babacar Sy demanda au Dahira Kiram (la mère de tous les dahiras) de réorganiser le Gamou à Ndar, en plus de celui de Tivaouane. Il instaura ainsi une nuit de célébration en l’honneur de la naissance du meilleur des êtres, le Prophète Mouhammad (ﷺ), destinée aux habitants de l’ancienne capitale.
La provision spirituelle : la confiance, clé de l’élévation
Pour entreprendre ce voyage vers l’ancienne capitale, une provision spirituelle s’impose. Celle-ci nous vient de Mohammed Al-Amin Al-Habib Mustapha et nous est transmise par Abdul Aziz Al-Amin.
Le terme Al-Amin (« le digne de confiance ») revêt une importance particulière. La confiance est l’une des vertus qui ont permis l’élévation spirituelle de Luqman, comme le mentionne le verset 12 de la sourate Luqman : « Nous avons effectivement donné à Luqman la sagesse. »
Interrogé sur les raisons de son élévation – bien qu’il ne fût pas prophète –, Luqman répondit : « J’accorde une grande importance à la confiance que les autres me témoignent, et je m’efforce toujours d’être digne de cette confiance. »
Bien que Luqman ne soit pas le sujet de notre provision aujourd’hui, retenons cette leçon. Quatre êtres éminents ont porté le surnom d’Al-Amin…
Les Quatre Êtres Surnommés « Al Amine »
Commençons par Al-Habib Moustafa Mohammed, honoré du surnom Mohammed Al-Amin, « le Digne de Confiance ». Le Sceau des Prophètes, Mohamed (que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur lui), porta également ce titre, illustrant sa probité à travers des événements marquants, tels que l’épisode de la Pierre Noire.
Lors de la reconstruction de la Kaaba, les Qurayshites furent divisés : quelle tribu aurait l’honneur de poser la Pierre Noire, objet sacré par excellence ? Pour apaiser les tensions, ils confièrent cette tâche délicate au Prophète Muhammad (PSL), reconnu pour sa sagesse et son impartialité. Avec une ingéniosité remarquable, ce dernier plaça la pierre sur un tissu blanc et invita chaque tribu à tenir un pan de l’étoffe, associant ainsi toutes les factions à ce geste symbolique et unificateur.
Cet épisode, relaté avec concision et éloquence par Seydil Hadj Malick Sy dans son ouvrage Khilass Zahab, met en lumière le rôle central du Prophète dans cet événement fondateur de l’Islam. Les vers suivants en témoignent :
Waḥakkamathu qurayshun idh humu kh-talafū Fī r-rafʿi fī yawmihi yaqḍī qaḍá l-ʿalami[1]
(Les Qurayshites l’avaient consulté sur des divergences qu’ils avaient pour la pose de la Pierre sacrée. Ce fut le jour anniversaire de sa naissance. Il les concilia de la manière la plus admirable.)
Le Second Al Amine : Rouh Al Amin (Jibril)
Un autre être porte ce titre : Rouh Al Amin, l’Archange Jibril (Gabriel), désigné comme « l’Esprit Fidèle ». Chargé de transmettre les révélations divines aux prophètes, il joua un rôle essentiel dans la transmission du message céleste. Seydil Hadj Malick Sy évoque ses multiples apparitions auprès des envoyés d’Allah dans ces vers :
Khudh ʿadda mā nazala r-rūḥu l-‘amīnu ʿAlá ruslin urattibu kay ujzá binaẓmihi[2]
(Cher lecteur, compte et retiens le nombre des apparitions de l’affidé auprès des prophètes : je les énumérerai afin qu’on me récompense de leur enfilade.)
L’ouvrage détaille ces manifestations :
yabun li’ādama nūnun thumma tā falinū ḥin thumma mūsá li’ibrāhīma ʿaddu bami[3]
douze fois pour Adam, cinquante pour Noé, quatre cents pour Moïse, quarante-deux pour Abraham,
dālun li’idrīsa ʿīsá ḥāza yā ʿadadan walilḥabībi kadun alfan falā tahimi[4]
quatre pour Idriss, et dix pour Jésus (paix sur eux). Quant au Bien-aimé Prophète (PSL), Jibril lui apparut vingt-quatre mille fois, comme le souligne le poème :
Walilḥabībi kadun alfan falā tahimi[5]
(Quant au Bien-aimé, il lui apparut vingt-quatre mille fois, ne t’aveugle pas.)
La Troisième Al Amine : Amina Bint Wahhab
Le troisième porteur de ce nom est Amina Bint Wahhab, mère du Prophète (PSL). Elle fut choisie par la volonté divine pour porter l’enfant béni, comme le rappelle Seydil Hadj Malick Sy dans Khilass Zahab :
Likay yuṣayyirahā ṣadfan lidurratihi Amīnatan naqiyat ʿan sā’iri t-tuhami[6]
(Pour qu’il prenne Amina, coquillage couvant de l’or, pure et à l’abri de tout soupçon.)
Son élection fut le fruit d’une sélection divine, marquant sa grandeur parmi les femmes de son temps. Cette précision est importante car une autre femme aspirait à cette union comme le rappelle Maodo
Maran ʿalá m-ra’atin tudʿá bifāṭimatin tabghī l-mamāla ilayhā wahya lam turami[7]
Ils avaient, au préalable, rencontré une femme du nom de Fâtima qui aspirait à cette union alors qu’elle n’était pas celle qu’on cherchait.
Le Quatrième Al Amine : Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine
Enfin, Serigne Abdoul Aziz Sy, fils de Serigne Babacar Sy, mérita ce titre par son intégrité exemplaire. Son oncle, Serigne Habib Sy, mit un jour sa probité à l’épreuve en lui confiant un billet de 5 000 francs dont il avait noté les numéros. Malgré les années, Serigne Abdoul Aziz conserva précieusement ce billet, le portant même autour de ses reins. Lorsqu’il le restitua intact, son oncle, ému par une telle droiture, le surnomma « Al Amine », « le Digne de Confiance ».
Avant de clore cette énumération, soulignons que tous ces événements de la Sira du Prophète (PSL) sont relatés avec une rigueur chirurgicale dans Khilass Zahab. Cette précision confirme les dires de l’auteur lui-même : le Prophète (PSL) lui aurait dicté les moindres détails de cette œuvre magistrale, « l’Or Décanté ».[8]
Un Enseignement Prophétique sur la Réussite dans les Deux Mondes
Revenons à notre récit. Un homme s’adressa au Prophète (ﷺ) en ces termes :
« Ô Messager d’Allah, indique-moi une chose qui me sera bénéfique dans ce monde et dans l’au-delà. »
Le Prophète (ﷺ) lui répondit :
« Pose-moi tes questions. »
L’homme commença :
« Je veux être l’homme le plus savant. »
Le Prophète (ﷺ) lui dit :
« Crains Allah, et tu seras le plus savant des hommes. »
Puis l’homme demanda :
« Je veux être l’homme le plus riche. »
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Sois satisfait de ce qu’Allah t’a accordé, et tu seras le plus riche des hommes. »
L’homme poursuivit :
« Je veux être i le plus juste parmi les hommes. »
Le Prophète (ﷺ) conseilla :
« Souhaite pour autrui ce que tu souhaites pour toi-même. »
« Je veux être le meilleur des hommes, » ajouta-t-il.
Le Prophète (ﷺ) dit :
« Sois utile aux autres. »
« Je veux être l’homme le plus près d’Allah, » continua l’homme.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Fais abondamment le dhikr (rappel d’Allah). »
« Je veux parfaire ma foi, » insista l’homme.
Le Prophète (ﷺ) enseigna :
« Aie un excellent comportement. »
« Je veux être compté parmi les bienfaisants, » demanda-t-il encore.
Le Prophète (ﷺ) dit :
« Adore Allah comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois pas, Lui te voit. »
« Je veux être parmi les vrais croyants, » ajouta l’homme.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Acquitte-toi de tes obligations religieuses. »
« Je veux être purifier de toute souillure pour la rencontre finale, » .
Le Prophète (ﷺ) conseilla :
« Observe scrupuleusement les purifications rituelles au moment prescrit. »
« Je veux être parmi les gens de la lumière (أهل النور) le Jour de la Résurrection (يوم القيامة).
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Ne te fais pas de mal à toi-même, et ne fais pas de mal aux autres. Car celui qui préserve son frère, Allah préserve sa lumière. »
Je veux être parmi ceux qu’Allah couvrira de Sa Miséricorde dans l’Au-Delà.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Sois miséricordieux envers toute la création, et le Tout Miséricordieux t’accordera Sa Clémence. »
Je veux être préservé(e) des péchés et des fautes.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Fais abondamment l’istighfār , car celui qui s’habitue à demander pardon, Allah lui ouvre une issue à toute détresse. »
Je veux être parmi les plus pieux serviteurs d’Allah.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Ne te plains qu’à Allah, car la vraie sainteté réside dans la patience et la confiance en Lui. »
Je veux qu’Allah augmente ma subsistance et mes bénédictions.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Purifie ton corps par les ablutions, ton cœur par le repentir, et Allah purifiera ta vie. »
Je veux faire partie des bien-aimés d’Allah et de Son Messager (ﷺ).
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Aime ce qu’Allah aime, déteste ce qu’Il déteste, suis la Sunnah, et tu seras parmi Ses élus. »
Je veux qu’Allah exauce mes prières.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Nourris ton corps de ce qui est licite (halal), et ton invocation sera exaucée. Car Allah est Pur et n’accepte que ce qui est pur. »
Je ne veux pas qu’au Jour de la Résurrection (Yawm al-Qiyamah), Allah m’humilie.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Préserve ta chasteté et fuis la fornication comme on fuit un lion. Celui qui respecte ses limites, Allah le couvrira de dignité. »
Je veux qu’Allah couvre mes fautes et mes péchés.
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Celui qui cache les défauts de son frère, Allah voilera les siens en ce monde et dans l’au-delà. » (Hadith : Mouslim)
Comment puis-je me protéger des péchés ?
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Des larmes de repentir, un cœur brisé par la crainte d’Allah, et la honte devant Sa Majesté. La maladie aussi purifie comme l’eau lave les impuretés. »
Quel bienfait Allah aime-t-Il le plus ?
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Une âme soumise (al-Islam) parfaite par son comportement (al-Ihsan). Le croyant au noble caractère atteint le rang des jeûneurs et des pieux. »
Qu’Allah déteste-t-Il le plus ?
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Un cœur dur comme la pierre, et l’idolâtrie (shirk) qui corrode les œuvres comme le vinaigre détruit le miel. »
Comment apaiser la Colère d’Allah ?
Le Prophète (ﷺ) répondit :
« Une aumône secrète qui efface les fautes, un repas offert à l’affamé, et un lien familial renoué : voici les éteignoirs de la Colère Divine. »
Ces enseignements nous ont été transmis par Seydina Abdoul Aziz Al Amine lors de la cérémonie officielle du Gamou de 2015. Il a lui-même souligné que leur authenticité et leur fiabilité font l’objet de divergences parmi les savants. Cependant, une chose reste certaine : ces précieux conseils constituent un véritable viatique spirituel pour quiconque aspire à réussir son passage terrestre et à préparer son retour vers l’au-delà.
MOULAYE NIANG
[1] Khilass zahab chapitre 8 :vers 16
[2] Khilass zahab chapitre 9 :vers 11
[3] Khilass zahab chapitre 9 :vers 12
[4] Khilass zahab chapitre 9 :vers 13
[5] Khilass zahab chapitre 9 :vers 13
[6] Khilass zahab chapitre 6 :vers 4
[7] Khilass zahab chapitre 6 :vers 2
[8] Les qualités d’historien ou d’hagiographe, servies par les dons poétiques d’El Hadji Malick Sy, apparaissent plus particulièrement dans la « stra » ou la Biographie du Prophète Muhammad () qu’il développe davantage dans son ouvrage intitulé: « Hilâs ad-dahab » ou l’ « Or décanté ».
Pour des raisons didactiques évidentes, l’on constate, comme déjà dit, qu’El Hadji Malick Sy avait divisé la « stra» en plusieurs thèmes traités séparément dans plusieurs livres. La partie la plus importante de celle-ci se trouvait consignée dans « Hilâs» divisé lui-même, en trente chapitres d’inégales longueurs. A part le premier chapitre qui brosse le Séjour céleste préexistentiel de l’âme (rüh) de Muhammad ((B3), l’auteur aborde l’histoire purement événementielle relative à l’avènement de l’Islam et à l’apostolat de Muhammad (1).
Avec des dates chronologiques appuyées sur les valeurs numériques de l’alphabet arabe, El Hadji Malick Sy relate, entre autres, la nais-sance, la jeunesse, l’appel à la Mecque, l’exil, les épreuves endurées par le Prophète de l’Islam, les intrigues de ses ennemis, ses expéditions, son action politique, son mariage, ses épouses, sa famille, ses biens, la conquête de la Mecque, sa maladie, sa mort, la prière funèbre, l’inhumation.
L’élaboration de cet ouvrage constitue un véritable tour de force et de talent compte-tenu du fait que selon son fils et biographe, El Hadji Abdoul Aziz Sy, Calife Général des Tîdjânes au Sénégal«’, le Maître l’aurait rédigée en une vingtaine de jours.
